Pourquoi?

Le programme-cadre de français de l’Ontario (2023), de la 1re à la 8e année, propose aux parents un guide dans lequel il est mentionné que « [l]es langues sont une partie importante de l’identité. Lire et parler à [son] enfant dans la langue employée à la maison l’aide à apprendre comment une langue fonctionne et est utilisée » (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2020-2024c).

Ce qu’en dit la recherche

Des recherches ont documenté, dans différents contextes, les effets positifs de la mise en place d’approches plurilingues dans une perspective de collaboration école-famille (par exemple, Barateau et Dompmartin, 2015; Rodriguez-Valls et al., 2014; Perregaux et Zurbriggen, 2012). Récemment, Gosselin-Lavoie et Charette (2024a; 2024b) ont documenté le point de vue de parents ayant utilisé une plateforme d’albums plurilingues de littérature jeunesse avec leur enfant. L’étude québécoise s’est inscrite dans un plus vaste projet de recherche (Armand et al., 2021a) lors duquel une dizaine d’enseignantes de maternelle ont animé, dans leur salle de classe, des albums plurilingues provenant de la plateforme numérique les Albums plurilingues ÉLODiL. Sur cette plateforme, 11 albums plurilingues de littérature jeunesse étaient accessibles en français et dans plus d’une vingtaine de langues. Chaque fois qu’un album était lu en salle de classe, les parents en étaient avisés à l’aide d’une communication écrite. Lors des entretiens menés avec 16 parents issus de l’immigration (plus ou moins récente), la majorité a mentionné le sentiment de légitimation et de valorisation de leur langue maternelle ressenti grâce à leur participation au projet et notamment grâce à la lecture des albums avec leur enfant dans les langues de leur choix. Le projet de lecture d’albums plurilingues a également stimulé chez les enfants une curiosité pour la langue maternelle des parents que ces derniers ne parlaient pas nécessairement avec leur enfant auparavant. Des parents ont aussi souligné la façon dont la légitimation des langues familiales par l’école a modifié leur point de vue sur la possibilité et la pertinence de parler leurs langues familiales avec leur enfant sans entraver l’apprentissage du français de cette dernière ou de ce dernier. En effet, les parents ne sont pas nécessairement conscients de l’intérêt de recourir aux autres langues de leur répertoire pour soutenir leur enfant dans ses apprentissages scolaires. Le fait de mettre en place des approches plurilingues dans sa salle de classe, en sollicitant la collaboration des familles, envoie donc à ces dernières le message que l’ensemble des ressources de leur répertoire linguistique sont importantes, même lorsqu’elles diffèrent de la ou des langues « officielles » de l’école.

De plus, il est essentiel de reconnaître que, selon le curriculum officiel de l’Ontario « [d]es études ont montré que les élèves qui ne se sentent pas représentés dans l’enseignement offert, dans leur classe et dans leur école, perdent leur motivation, n’éprouvent pas un fort sentiment de bien-être ou n’arrivent pas à atteindre un rendement scolaire aussi élevé que les élèves qui se sentent représentés dans leur milieu » (Ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2020-2024a).

Un autre des résultats intéressants de la recherche de Gosselin-Lavoie et Charette (2024) se rapporte au fait que les parents se sont sentis plus au fait des pratiques pédagogiques mises en place dans la salle de classe de leur enfant. Dans certains cas, parce qu’ils ont pu observer les activités mises en place au cours de visites faites en salle de classe, dans d’autres cas, grâce aux communications des enseignantes liées à chaque album de littérature jeunesse ainsi qu’aux discussions avec leur enfant au sujet de ces lectures faites d’abord en salle de classe. Charette (2016) a d’ailleurs montré dans une recherche qui étudiait le rapport à l’école de parents immigrants dans le contexte québécois, dont certains ne parlaient que peu ou pas le français, que plusieurs parents se sentaient peu légitimes de se présenter à l’école pour participer à des activités lorsqu’ils ne maîtrisaient pas la langue de l’espace scolaire. Parmi les recommandations de la recherche, l’auteure souligne la pertinence de mettre en valeur les stratégies que déploient les parents dans d’autres langues que celles de l’espace scolaire pour soutenir leur enfant : traduction des devoirs, lectures dans les langues familiales, etc.

Par ailleurs, les approches plurilingues favorisent l’établissement d’une communication significative et authentique avec les parents en s’intéressant de façon sincère à la famille. Ainsi, proposer à un parent d’enregistrer une comptine qu’il aime chanter à son enfant, peu importe la langue utilisée, ou lui demander de lire en salle de classe un album de littérature jeunesse que l’enfant affectionne particulièrement est une façon d’enrichir le lien avec les familles.

Enfin, dans le cadre du vaste projet d’animation d’albums plurilingues de littérature jeunesse mené dans une perspective de collaboration école-famille, des effets positifs ont été observés chez les enfants sur le plan du développement langagier (vocabulaire, concepts de l’écrit, compréhension, habiletés narratives) (Armand et al., 2021a; Turgeon et al., 2022; Gosselin-Lavoie, 2021) liés à leurs représentations des différentes langues de leur répertoire (Armand et al., 2021b) qui étaient plus positives après leur participation au projet. Dans ce même ordre d’idées, d’autres recherches dans lesquelles des approches plurilingues ont été mobilisées dans une perspective de collaboration école-famille, ont également montré un impact positif sur le développement langagier des enfants (par exemple, Rodriguez-Valls, 2009).

Des liens avec le programme-cadre de l’Ontario et les initiatives ontariennes

Les extraits ci-dessous sont issus du curriculum officiel, de la 1re à la 12e année, établi par le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Examiner ces extraits aide à mieux comprendre les fondements et les pratiques d’enseignement préconisés pour favoriser une collaboration entre l’école et les familles des élèves.

Pour aller plus loin

Ce qu’en dit le personnel enseignant

Les citations ci-dessous proviennent d’un article d’Armand et al. (2021c) qui a permis de documenter le point de vue des 10 enseignantes ayant participé à la vaste recherche dans laquelle des albums plurilingues ont été lus en alternance en salle de classe et à la maison à l’aide d’une plateforme numérique (Armand et al., 2021a). Leurs propos ont été recueillis au moyen d’un questionnaire qui visait à documenter leur point de vue portant sur différents aspects, notamment sur les relations avec les familles issues de l’immigration.

« Les parents et moi-même avons adoré l’application [en parlant de la plateforme numérique d’albums plurilingues] et tout ce qu’on pouvait y faire (découverte des langues, jeux), les parents pouvaient suivre de la maison une partie des choses vécues en classe. »

« Un partage et une collaboration étroite se sont tissés au fil des mois, et cela a un impact positif dans la vie de l’enfant. »

Ce qu’en disent les parents des élèves

Les citations ci-dessous proviennent d’un article de Gosselin-Lavoie et Charette (2024) qui visait à documenter le point de vue des parents à propos d’un vaste projet de recherche mené dans le groupe-classe de leur enfant et qui impliquait la lecture d’albums plurilingues de littérature jeunesse dans une perspective de collaboration école-famille (Armand et al., 2021). Leurs propos ont été recueillis dans le cadre d’entretiens.

« Moi, ma langue maternelle, quand mon mari et moi, on parle, en plus les enfants ne veulent même pas apprendre notre langue maternelle, c’est le bantou. Ils ne veulent pas apprendre […]. L’enfant qui fait le programme de lecture, elle est gênée parce qu’elle me dit : “Maman, pourquoi on ne parle pas le bantou avec toi à la maison?” J’ai dit : “Dorénavant, je vais faire le bantou avec toi.” […] Donc, ça me donne un plus, vraiment, pour pouvoir pratiquer la langue maternelle avec la plus jeune qui veut parce que les vieux, ils ne veulent pas. »

« Moi, j’ai toujours voulu m’intégrer dans la vie scolaire de mon enfant, et c’était difficile. Je ne savais pas comment faire, mais ça m’a permis de le faire ça, au fond, […] justement l’accompagner, puis de l’aider à s’améliorer. Et puis je vois que ça porte fruit, puis, sincèrement, j’aurais aimé que ça continue. »