Pourquoi?
Ce qu’en dit la recherche
Dans le contexte de l’éducation au 21e siècle, de nouvelles réalités définissent les compétences que les élèves mobilisent pour se développer et s’épanouir dans une société caractérisée par la mondialisation. Ainsi, la notion de plurilittératie s’est développée en réponse à la nécessité d’intégrer le domaine des langues aux technologies de l’information et de la communication, de plus en plus vastes et complexes, ainsi qu’à une compréhension plus approfondie du plurilinguisme et à la nécessité de développer la collaboration linguistique et culturelle entre des élèves (Cope et Kalantis, 2016; Moore et Dagenais, 2008; Moore et Molinié, 2012, New London Group, 1997; Prasad et Lory, 2020). Autrement dit, au-delà du développement des compétences en littératie traditionnelle, les élèves développent une compétence plurilingue et pluriculturelle afin de naviguer dans diverses situations de communication et travaillent en collaboration tout en utilisant le numérique dans une optique de production créative.
« La compétence plurilingue et pluriculturelle est définie comme la capacité à mobiliser le répertoire pluriel de ressources langagières et culturelles pour faire face à des besoins de communication ou interagir avec l’altérité ainsi qu’à faire évoluer ce répertoire ».
(Beacco et al. p.10)
L’importance des aspects susmentionnés est mise de l’avant dans les recherches internationales ainsi que dans les politiques éducatives canadiennes. D’emblée, les recherches montrent que l’engagement des élèves est l’un des meilleurs éléments pour prédire la réussite en littératie (Cummins, 2011).
Qui plus est, relativement à la politique du ministère de l’Éducation de l’Ontario en matière d’équité, de diversité et d’inclusion, des projets de plurilittératie, en plus de reconnaître et de valoriser les identités linguistiques multiples des élèves plurilingues, favorisent la collaboration linguistique et culturelle en classe servant au développement d’une compréhension sociale de la diversité sous toutes ses formes et ses différences (Prasad et Lory, 2020).
Enfin, la plurilittératie aide à la mise en œuvre de plusieurs compétences transférables essentielles à la réussite des élèves, comme la littératie numérique, la citoyenneté mondiale et la durabilité, l’innovation, la créativité, l’entrepreneuriat et la communication. À cet égard, elle s’inscrit dans les principes du programme-cadre de français (ministère de l’Éducation de l’Ontario, 2023), notamment en ce qui concerne le développement de compétences en littératie médiatique numérique :
« Le programme-cadre de français reconnaît que des compétences complémentaires sont nécessaires afin que les élèves puissent utiliser les nouvelles technologies. La littératie médiatique numérique et les compétences transférables sont essentielles pour que les individus deviennent des citoyennes et citoyens responsables et productifs. Pour réussir dans le monde moderne, les élèves doivent être capables de comprendre, d’interpréter, de critiquer, d’utiliser et de créer des textes sous différentes formes. » (p. 77)
Ainsi, l’intégration des nouvelles technologies de l’information et de la communication au moyen d’une conception « plurilittératiée » est bien en phase avec les mandats des programmes-cadres qui indiquent qu’il incombe à la personne enseignante de favoriser le développement de compétences quant à l’utilisation des technologies et médias.
Pour aller plus loin
Ouvrage clé
Cummins, J. et Early, M. (2011). Identity Texts: the collaborative creation of power in multilingual schools. Trentham Books.
Articles clés
Armand, F., Combes, É., Boyadjiéva, G., Petreus, M. et Vatz-Laaroussi, M. (2014). Écrire en langue seconde : les textes identitaires plurilingues. Québec français, (173), 25–27.
Armand, F., Gosselin-Lavoie, C. et Combes, E. (2016). Littérature jeunesse, éducation inclusive et approches plurielles des langues. Nouvelle Revue Synergies Canada, (9), 1-5.
Gosselin-Lavoie, C. et Armand, F. (2015). Favoriser l’entrée dans l’écrit chez les jeunes enfants allophones. Revue canadienne des jeunes chercheures et chercheurs en éducation, 6(2), 94-101.
Gosselin-Lavoie, C., Maynard, C. et Armand, F. (2021). Les Albums plurilingues ÉLODiL pour soutenir l’enseignement à distance. Nouvelle Revue Synergies Canada, (14), 1-13.
Lory, M.-P. et Prasad, G. (2020). Favoriser l’instauration d’un espace de réconciliation linguistique et culturelle en contexte scolaire minoritaire. Dans Fleuret, C. et Thibeault, J. (dir.), Didactique du français en contextes minoritaires : enjeux actuels et regards prospectifs. UOP.
Moore, D. et Sabatier, C. (2014). Les approches plurielles et les livres plurilingues. De nouvelles ouvertures pour l’entrée dans l’écrit en milieu multilingue et multiculturel. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 17(2), 32-65.
Prasad, G. (2015). Beyond the mirror towards a plurilingual prism: exploring the creation of plurilingual ‘identity texts’ in English and French classrooms in Toronto and Montpellier, Intercultural Education, 26(6), 497-514.
Ce qu’en disent les élèves et le personnel enseignant
Plusieurs enseignantes et enseignants de l’Ontario ont mis en œuvre la création d’albums s’appuyant sur le développement de la plurilittératie. Voici quelques témoignages liés à leurs expériences.
Les personnes enseignantes ont régulièrement souligné que bon nombre de leurs élèves réalisaient leurs meilleurs écrits dans le cadre de leur production de livres plurilingues. Leur attention, même aux détails et à la révision, s’est renforcée, car ils anticipaient avec grande attente et excitation la publication et la lecture de leur travail par de véritables auditoires. Les projets de plurilittératie incitent les élèves à investir l’ensemble de leur identité et de leurs ressources dans leur travail, ce qui favorise leur intérêt soutenu et se traduit souvent par une plus grande motivation, production et réalisation.
Les citations suivantes sont extraites d'une recherche réalisée par Prasad (2015).
« C’est une source de fierté pour [les élèves], surtout quand ils vont recevoir le livre et le CD [enregistrement de la lecture]. Ah oui, ils l’attendent avec impatience… Ça va les marquer à vie. Ça va les marquer à vie, parce que ce n’est pas tous les jours qu’ils vont vivre ça. On peut faire des activités, mais de faire quelque chose de vraiment professionnel et d’avoir un produit avec des couleurs et un CD et un livre avec une couverture et tout ça, c’est une première pour eux. Puis, ils peuvent en parler pendant longtemps dans leur vie. »
« C’est vraiment valorisant pour les élèves. Ça leur a permis de se sentir inclus avec tous leurs bagages. »
Plusieurs élèves de l’Ontario ont mis en œuvre la création des albums s’appuyant sur le développement de la plurilittératie. Voici quelques témoignages liés à leurs expériences :
« Mon livre [plurilingue] me rend original. Je suis le seul dans la classe qui peut lire et écrire ces trois langues. Je me sens spécial. J’ai appris qu’il peut y avoir plusieurs histoires dans une seule personne. »
« Je pense que c’était bien pour moi de travailler sur mon livre [le livre plurilingue] parce que personne ne savait que je parlais le swahili avant. Là, c’est comme s’ils [les autres élèves] me connaissent mieux. »
« Moi, j’ai trouvé que le projet [plurilingue] c’est plutôt bien parce qu’on pouvait montrer aux autres toutes les langues qu’on connaissait, qu’on parlait à la maison… Je n’avais jamais utilisé mes langues à l’école et même mes amies, elles ne savaient pas que je parlais plusieurs langues. »